animal sujet publie les traductions d’articles animalistes : militantisme, résistance et agentivité animales, cohabitation humains-animaux...

Stratégies pour promouvoir les droits des animaux...(5)


genre d’arguments extrinsèques que nous réservons à la défense des animaux. Comme l'observe Lewis (2004) :

Bien que les esclaves aient fait partie intégrante de la production de tabac, les abolitionnistes n’ont jamais expliqué que nous ne devrions pas avoir d’esclaves car il en résultait des maladies du poumon, et pourtant c’est exactement le type de raisonnement suivi par certains militants animalistes. De même, les abolitionnistes n’ont probablement jamais déclaré qu’il y avait un surplus de coton…(i.e. certains travaux d’esclaves étaient, comme certaines expérimentations, superflus).
 
De la même façon, Proctalgia (2006) écrit "nous ne nous opposerions pas à l’expérimentation sur les juifs pour la raison que de telles expériences "ne marchent pas". Nous dirions, sans compromis, que même si les expériences sur les juifs procuraient des données scientifiques fiables (ce qui fut le cas, voir l’Opération Paperclip) elles étaient néanmoins immorales." Même si la cruauté était mentionnée en premier, un argument supplémentaire basé sur le propre intérêt de ceux qui expérimentent serait considéré comme humiliant pour les victimes. Qui protesterait contre le fait que l’on fasse bouillir des gens dans de l’huile bouillante parce que c’est cruel et que c’est un gâchis de ressources naturelles ?

Pourtant Peter Singer (2006), après avoir consacré sept paragraphes à passer en revue les horreurs de l’élevage industriel, en ajoute deux supplémentaires pour montrer que cette pratique est inefficace, ce qui a permis de titrer "La production de viande n’est pas seulement inhumaine elle est inefficace" , donnant ainsi une importance égale à ces deux faits.

La British Union for the Abolition of Vivisection (BUAV) nous dit que les primates "apprennent rapidement à craindre les techniciens de laboratoire susceptibles de leur avoir déjà fait du mal. Le stress que cela cause signifie qu’ils doivent souvent être traînés, hurlants, hors de leur cage." (2006). Mais ils ajoutent ensuite que leur nouveau rapport "présente de nombreux exemples qui montrent que les primates font des modèles médiocres, et souvent trompeurs, pour les maladies humaines."

Examinons les commentaires de la National Anti-Vivisection Society (2007) sur les recherches chinoises  durant lesquelles des chiens étaient brûlés. Ils commencent par noter "Ce sont peut-être les expériences les plus cruelles que nous avons documentées, ces chiens ont du mourir dans des douleurs inimaginables." Ils écrivent ensuite : "Pire encore (c’est l’auteur qui souligne) ces animaux ont souffert et sont morts en vain, car il existe des moyens de mener ces recherches sans animaux, et les chiens sont simplement de mauvais modèles pour les êtres humains."

Est-ce que le veau se soucie de savoir si l’élevage industriel est efficace ou le singe, si la vivisection est fiable ? L’inutilité de l’expérience chinoise était-elle réellement pire que les souffrances des chiens ? Lorsque nous employons ces arguments opportunistes parce que nous nous sentons obligés d’aller au-delà de nos propres préoccupations politiquement impopulaires, nous trahissons inconsciemment les animaux comme jamais les militants pour les droits humains, dont le statut social est plus assuré, ne trahiraient leurs semblables.

George Bernard Shaw a écrit : "Si vous essayer de réfuter un vivisecteur en démontrant que l’expérience qu’il a effectué n’a abouti à aucun résultat utile, cela implique que si elle avait abouti à un résultat utile, vous considèreriez que l’expérience était justifiée. C’est un point de vue que je ne suis pas prêt à approuver." (Ruesch 1983: 345). L’objection soulevée par Shaw apporte une seconde question-test : "Et si les affirmations empiriques n’étaient pas vraies ?" - une question toujours tapie en arrière-plan. Si la consommation de viande était bonne pour la santé, ou si l’expérimentation animale était notoirement efficace, seriez vous en faveur de l’une ou l’autre ? Si la réponse est non, l’argument opportuniste est superflu. Si la réponse est oui, vous n’êtes pas en un partisan des droits des animaux.

Qu'en est-il des militants animalistes vraiment concernés tout à la fois par les effets néfastes de la consommation de viande et de la vivisection sur la santé humaine et pas les mauvais traitements infligés aux animaux ? En dépit de leur sincérité, l’argument "La vivisection et la consommation des animaux sont cruelles - et l’une est une fraude tandis que l’autre nuit à votre santé" demeure problématique. Si la réponse à "Et si ce n’était pas vrai ? " est "je suppose que ces expériences devraient être permises mais dans des conditions beaucoup plus rigoureuses" ou "je suppose que je pourrais manger de la viande, issue d’animaux élevés en plein air " alors, encore une fois, vous n’êtes pas un partisan des droits des animaux, mais plutôt un militant pour le bien-être animal, avec des préjugés spécistes.

L’ambiguïté exposée par l’objection de Shaw résulte du fait que les militants comptent plus sur des contingences extérieures à notre mouvement plutôt que sur des certitudes qui sont au centre de celui-ci: l’axiome selon lequel les humains font souffrir les animaux et notre conviction morale que cela doit s‘arrêter.

Et voici une troisième question concernant les arguments centrés sur les animaux par opposition aux arguments opportunistes. Dans quelle mesure les conséquences prévues sont-elles immédiates et certaines ? Il peut y avoir un lien entre la consommation de viande et la guerre, mais il est relativement éloigné. Nous avons des preuves que l’exploitation animale contribue à la dégradation de l’environnement, à la famine mondiale et aux maladies humaines. Encore plus frappant : les nations Unies ont rapporté que "l’élevage est responsable de 18 % des gaz à effet de serre, cause du réchauffement climatique, plus que les voitures, les avions et toutes autres moyens de transport réunis. " (lean 2007). Périodiquement, il y a des découvertes similaires concernant l’utilisation de la terre arable pour le pâturage ; sur le fait que la viande est mauvaise pour la santé ; sur les effets indésirables de médicaments résultant d’une expérimentation animale fallacieuse.

Mais ce sont des choses qui doivent être dites au public par des experts - qui souvent sont en désaccord les uns  avec  les  autres. Personne -  pas même les experts,  ne peut savoir avec certitude  le  temps qu'il faut