Le 15 octobre 2007, USA Today signalait que selon un sondage Harris, les végétariens représentaient 3% de la population américaine. D’autres sondages dans les dernières décennies les estimaient entre 2 et 4% . Bien qu’il soit impossible d’obtenir une idée précise - en partie parce que les questions des sondages ne sont pas toujours formulées de façon cohérente, et en partie parce les gens se décrivent eux-mêmes comme "végétarien" alors qu’ils mangent du poisson, ou "occasionnellement" de la viande, il semble probable que le nombre de végéta*iens augmente lentement, et surtout parmi les jeunes gens et les adolescents. Cette prise de conscience croissante chez les jeunes est une évolution encourageante. Le message en faveur du véganisme gagne manifestement du terrain mais, tout aussi manifestement, il ne va pas suffire pour vider les hangars où sont confinés les animaux ni pour fermer les abattoirs, dans un futur proche. D’un autre côté, la campagne pour dissuader les détaillants de vendre des œufs de batterie - qui a été inaugurée en 2005 - a déjà amélioré la vie de millions de poules pondeuses en les libérant des cages de batterie. Ces animaux continueront à souffrir et à être tués, mais au moins, ils pourront marcher, étendre leurs ailes et pondre leurs œufs dans des nids, exprimer tous ces comportements importants qui sont refusés en permanence aux poules de batterie.
Dans ces circonstances, il y a un besoin urgent de poursuivre diverses tactiques non-violentes qui offrent la perspective de contribuer à la fois au bien-être et à la libération des animaux. En agressant ceux qui veulent développer nos stratégies militantes en essayant de trouver la combinaison de tactiques qui marchera le mieux, les partisans de l’approche exclusive ont délaissé la raison pour la foie aveugle. Leur approche du militantisme va à l’encontre de la logique. Au lieu de dire : "Cette stratégie fonctionne ; donc, elle est bonne" ils disent "Cette stratégie est idéologiquement pure ; donc, si nous nous y tenons, il faudra qu’elle finisse par fonctionner."
Un militantisme rationnel requiert que nous cherchions constamment qu’elles sont les répercussions de nos campagnes, que nous les évaluons et que, fréquemment, à mi-parcours, nous fassions des réajustements en cherchant la bonne combinaison de tactiques qui nous amènera au succès. Nous pouvons être idéologues en ce qui concerne notre objectif, mais nous devons être pragmatiques en ce qui concerne nos méthodes. Laissez, par autosatisfaction, des a priori idéologiques dicter nos méthodes est la clé d’un échec assuré.
L'approche exclusive : moins bien qu'on pourrait le croire
Mark Twain a dit "La musique de Wagner est meilleure qu'on pourrait le croire à l'entendre". L’approche militante exclusive, par contre, est moins bien qu'on pourrait le croire de prime abord; elle semble simple, directe, et cohérente théoriquement. Mais l’histoire est jonchée d’exemples de théories élégantes qui ont complètement échoué une fois qu’elles ont été appliquées au monde réel. De telles théories deviennent trop facilement prétextes à exprimer de nobles platitudes tout en évitant le travail de base, difficile, frustrant et salissant qui consiste à transformer notre vision en progrès pour les animaux.
Prenons l’exemple d’Harold Brown qui, lors de la conférence FARM AR 2007, a fait une présentation, laquelle peut être visionnée sur youtube. Dans son discours, il a fait la promotion de l’approche exclusive et a déclaré que les campagnes "welfaristes" n’avaient pas de place dans le mouvement pour les droits des animaux, tout en admettant à deux reprises, "je n’ai aucune solution". Et, effectivement, il n’a pas proposé une seule idée qui permettrait de réaliser un progrès concret - ce qui s'en rapprochait le plus fut : "Je suis sûr que nous pouvons appliquer nos tactiques et nos stratégies aux différents aspects de l’exploitation animale." Concevoir des stratégies et des tactiques qui fonctionnent dans le monde réel est la partie la plus difficile du militantisme pour les animaux. Eluder cette question aussi cavalièrement, c’est se défiler. Ce doit être très amusant d’être "un gars qui a une vision globale" (ainsi que Brown s’est décrit - pas une, mais deux fois), de critiquer les gens qui travaillent dur dans les tranchées pour soulager les souffrances des animaux (des "gens à la vision restreinte", peut-être, auxquels manque le magnifique panorama de ceux qui ont une vision globale ?) et refusent de prendre la responsabilité de proposer des stratégies et des tactiques. (Aussi Brown a-t-il mis les militants en garde : "Nous devons faire attention à ne pas nous laisser accaparer par les menus détails, les petites choses" ) Dieu est dans les détails, dit le proverbe, dans les petites choses, et ce manque de considération envers le travail nécessaire pour transcrire "la vision globale" en soulagement réel pour les animaux qui souffrent, est tout sauf utile.
Les animaux qui souffrent et meurent dans les élevages industriels ont besoin d’une stratégie qui apporte un changement réel dans leur vie le plus rapidement possible. Ils ont besoin d’une approche sur deux fronts, qui allie message vegan-abolitionniste et campagnes réformistes. One size doesn’t fit all (1), et c’est cette combinaison de plusieurs tactiques qui est la plus prometteuse pour les plus infortunées victimes des hommes, maintenant et pour les générations futures. Dans un article posté sur le site de Tribe of heart, James LaVeck et Jenny Stein étiquettent les militants qui approuvent le fait de soulager les souffrances des animaux de ferme comme étant des "néoncarns" par analogie avec les "néocons" qui ont amené notre pays et notre monde au bord de la destruction. Malgré ce jeu de mot méchant et puéril (qui s’inspire des "néo-spécistes" de Joan Dunayer, lequel s’inspirait des "néo-welfaristes" de Gary Francione) ce sont les tenants de la méthode exclusive qui ressemblent aux néo-conservateurs dans leur approche stratégique. L’obstination avec laquelle les neocons ont soutenu que nous gagnerions en Irak si nous continuons de suivre aveuglément la stratégie qui avait jusque là échoué ("Maintenons le cap.") est comparable à celle des "abolitionnistes" qui soutiennent que nous créerons une société vegan dans un futur proche si nous continuons simplement à nous en tenir à l’approche exclusive qui a échoué, jusqu’à présent, à réduire le nombre d’animaux consommés.
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(1) Il n‘a pas été trouvé d'équivalent français pour ce proverbe, qu’on pourrait traduire par "Une pointure unique ne convient pas à tous."
Organisations et ouvrages cités :
> HSUS / Humane Society of the United States
> FARM / Farm Animal Rights Movement
> HSUS / Humane Society of the United States
> FARM / Farm Animal Rights Movement
- Christianity and the rights of animals, Andrew Linzey - London: SPCK
- La libération animale (Animal Liberation), Peter Singer - Grasset
- The case for animal rights, Tom Regan - University of California Press
- Compassion : The ultimate ethic: an exploration of veganism, Victoria Moran - American Vegan Society
- La libération animale (Animal Liberation), Peter Singer - Grasset
- The case for animal rights, Tom Regan - University of California Press
- Compassion : The ultimate ethic: an exploration of veganism, Victoria Moran - American Vegan Society
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